RÉVÉLER L’INVISIBLE
Depuis deux ans CharlyHO réfléchit à la perception et à la notion de temps. Constatant que les gens regardent très vite les images, il a cherché un moyen pour que les gens s’arrêtent sur ses photographies. Ce moyen, c’est la technique qui le lui a donné, la technique qui est au service de son intention artistique qui est que le spectateur aille plus loin que la lecture de l’image, aille plus loin que le visible. Pour cela il présente des demi-portraits, il coupe les visages en deux. Le propos est assez radical et aucun portraitiste ne s’est encore aventuré dans cette voie. Chaque modèle ayant accepté de poser nous apparaît donc à moitié, nous sommes devant des demi-visages et pourtant rarement portrait ne nous a paru aussi complet. Paradoxalement en ne voyant qu’une partie, nous sommes amenés à prolonger le regard hors cadre de la photographie et, à reconstituer mentalement la partie manquante, la face cachée du modèle ce qui nous conduit à nous interroger sur celle-ci.
Si dans le langage courant l’expression « face cachée » est connotée assez négativement ici la face cachée révèle les marques du temps, les inquiétudes, les angoisses, les efforts, le travail, le courage en un mot la volonté qu’il a fallu à ces modèles pour mener à bien leur projet, quel qu’il soit, donnant raison à Honoré de Balzac qui écrivit dans La muse du département : « la volonté peut et doit être un sujet d’orgueil bien plus que de talent » . Avec cette série de portraits, nous sommes loin de la célébration de la réussite de personnalités éphémères mises en valeur par les médias et réseaux sociaux, personnalités qui ne dureront pas et ne produiront finalement que peu de richesses pour la société. Nous l’avons dit, CharlyHO choisit des modèles qu’il admire et peuvent servir d’exemple dans le but d’une amélioration du vivre ensemble et du bien commun que cela soit par le vecteur de l’art ou de l’économie, ces deux secteurs étant considérés par lui comme des piliers essentiels à toute société.
UNE NOUVELLE SIGNATURE
Après plus de vingt ans de pratique de la photographie, il en maîtrise les différentes techniques. Pour cette série, il utilise l’outil numérique qui lui permet de raconter l’histoire du visage mais aussi d’instaurer un dialogue entre le photographe et son modèle, pleinement conscient des avancées techniques et technologiques, en accord avec son temps. Une fois la photographie prise, c’est donc à coup d’algorithmes qu’il compose ses portraits, des algorithmes qui, par les formes vibratoires qu’ils créent, insistent et renforcent l’idée de parcours parfois sinueux ou escarpés empruntés par les modèles comme autant de traces, de rides, de cicatrices laissées par l’aventure et l’expérience. Des compositions où sont aussi distillés quelques indices cachés nous parlant du photographe et instaurant une certaine communication, à l’instar des peintures de la renaissance flamande ou italienne où le peintre se représentait dans des détails cachés à la surface de la toile. Parler ici de peinture n’est pas surprenant puisque plastiquement, ces portraits photographiés pourraient évoqués du dessin mais c’est bien de photographie qu’il s’agit.
D’ailleurs les « Portraits WHY ME » de CharlyHO, immédiatement identifiables, se veulent une nouvelle signature dans la photographie de portraits à l’instar de celle que peut être celle des studio Harcourt. Ce n’est ni plus ni moins le défi que s’est lancé CharlyHO.
Céline BERCHICHE
Docteur Histoire de l’Art – Membre de l’AICA (Association Internationale Critiques d’Art)
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